Le Palais ducal

Émues des désirs qui se manifestaient, l'administration municipale de Nancy et l'administration départementale s'y associèrent avec une extrême bienveillance ; le gouvernement par l'organe de deux ministres de l'instruction publique, exprimait ses sympathies pour une pensée qu'il regardait comme généreuse, élevée, n’intéressant pas seulement une ville ou même trois départements, mais digne par sa grandeur, de la majesté de la France.

A la suite de cette démonstration, un arrêté du 30 mars 1850 instituait le Comité du musée historique lorrain, et, afin de donner à ce dernier un caractère presque officiel prescrivait que le préfet de la Meurthe et le maire de Nancy y occuperaient de droit les premiers rangs.

A partir de ce moment, tandis que la Société d'archéologie poursuivait énergiquement sa tâche, faisant des recrues, publiant ses travaux, le comité émané de son sein, exécuteur de ses inspirations, se dévouait à la mission délicate qu'il avait acceptée.

Le Palais ducal, à cette époque, ne ressemblait guère à l'édifice que l'on admire aujourd'hui. Tout alors y était ruines, et si misérables qu'elles fussent, ces ruines étaient utilisées pour des services publics. Il y avait là trois possesseurs auxquels il fallait les disputer.

 Masqué par de lourds contreforts, l'élégant promenoir du rez-de-chaussée servait d'écuries; un réduit encombrait l'entrée de l'escalier qui conduit à la salle des Cerfs, et cette salle elle-même, coupée par des murailles, formait trois greniers dont le plus vaste n'avait pour plafond que les combles. Tel était l'état du palais où devait s'installer le futur musée.

Une circonstance heureuse vint imprimer à la générosité publique un élan qui dura des années. Le Congrès scientifique de France, qui tenait à Nancy sa 17e session, vint en corps assister à une cérémonie modeste mais significative. Le modèle de la statue du duc Antoine venait d'être posé au Palais ducal, dans la niche de la porterie. La vue extérieure de l'édifice inspira le désir d'en visiter l'intérieur et de constater l'état de cette ancienne résidence princière si déchue de son antique splendeur.

Ce fut à travers le fourrage et l'avoine que les membres du congrès parcoururent la galerie où siégèrent jadis les états de Lorraine. A l'aspect de désolation de la salle, un de nos compatriotes, l'honorable M. de Vatry, ancien député de la Meurthe, éleva la voix pour provoquer une souscription en faveur de la restauration de la galerie des Cerfs et du palais tout entier. Une liste se couvrit de signatures comme par enchantement et produisit la somme de 11,000 fr. Ce fut à l'aide de ce trésor inespéré que le Comité osa tenter de nouveaux efforts. Il s'agissait d'entreprendre une conquête qui demanda près de huit années : celles des locaux destinés au musée. C'était une ville entière à enlever d'assaut, rue par rue, maison par maison.

Ce fut le vestibule d'abord, dont il fallut chèrement acheter une partie. Ce fut ensuite une portion, puis une autre, puis une troisième de la galerie voisine, et là s'arrêta pour un temps la conquête. La salle des Cerfs, objet des convoitises du Comité, semblait une citadelle imprenable, car pour y arriver il fallait posséder la cour et s'ouvrir un passage dans la-galerie du rez-de-chaussée.

 Enfin, au mois de septembre 1857, après plusieurs années de négociations, de démarches et de peines, aux prix des plus lourds sacrifices, le Comité devint maître de la partie principale du palais comprenant la galerie du premier étage. Toutefois, la place prise, restait à l'utiliser, et la salle des Cerfs, prix de la dernière victoire, se présentait dans son effrayante nudité. Là tout était à faire, depuis le sol jusqu'à la voûte. Aussi devait-il encore s'écouler près de cinq années avant que l'installation fût complète.