Léopold QUINTARD
Discours de M. Guyot
Quand la mort vient frapper au milieu de sa famille celui que Dieu rappelle à lui, certes le deuil est grand, la séparation toujours amère mais c'est néanmoins une consolation pour la veuve, pour les enfants qui restent, d'avoir entouré de leurs soins l'époux, le père disparu, d'avoir eu son dernier regard, son dernier serrement de main. Combien plus vif est le chagrin, plus cruelle la souffrance, lorsque, comme il est arrivé à M. Léopold Quintard, personne n'a pu être auprès de lui pour adourcir l'angoisse du redoutable passage ! La peine est d'autant plus profonde pour les siens, que momentanément séparés, ils devaient être prochainement réunis sous le ciel bleu de la Tunisie. Hélas, en quelques instants, ces beaux projets ont été anéantis pour toujours Que Madame Quintard et ses fils reçoivent l'expression de notre respectueuse sympathie, au nom de tous ceux qui ont connu, aimé et estimé l'homme excellent, le confrère érudit et dévoué que nous venons de perdre.
De l'homme, je ne dirai rien que ne sachent ceux qui ont vécu auprès de lui son caractère loyal et ferme, la sûreté de ses relations l'avaient fait apprécier de tous ses contemporains. Mais il me sera permis d'insister sur les services qu'il a rendus à son pays et de dire quelle part fut la sienne dans le domaine des études historiques et artistiques appliquées à notre province. En 1862, il était introduit à la Société d'Archéologie lorraine par M. Bretagne, qui lui donna le goût des collections archéologiques et lui montra la voie qu'il devait suivre brillamment. Sous la conduite de cet excellent maître, Léopold Quintard acquit rapidement les connaissances les plus variées, non seulement en numismatique, mais aussi dans toutes les branches de notre histoire locale. De plus, il s'intéressait à la peinture, à l'exemple de son frère Lucien, et il était devenu un amateur distingué en même temps qu'un fin collectionneur.
En 1881, il était reçu au titre d'associé-correspondant par l'Académie de Stanislas. Secrétaire-adjoint de la Société d'Archéologie lorraine de 1869 à 1883, puis vice-président de cette Société de 1888 à 1899, il était enfin élevé à la présidence, qu'il devait conserver jusqu'en 1908. Dans ces diverses fonctions, il tenait à justifier les suffrages de ses confrères, auxquels il était très sensible, par des travaux remarquables, insérés dans nos Mémoires et dans notre Journal, et par de nombreux services rendus à la Société ainsi qu'au Musée historique lorrain. Je mentionnerai surtout l'organisation de ces fécondes excursions autour de Nancy, dans lesquelles il apportait tant de gaité et de belle humeur, secondé qu'il était par son ami Henri Lefebvre, dont nous avons récemment déploré la perte. Aussi lorsque, il y a peu de jours, Léopold Quintard décida d'abandonner ses fonctions actives de Président de la Société d'Archéologie, il put voir ses amis, empressés de lui offrir un témoignage d'estime et de sympathie, se réunir pour lui faire conférer le titre de Président honoraire, auquel il avait droit et ce fut pour lui l'occasion de compter le grand nombre de ceux qui tinrent à s'associer à cette cordiale manifestation. La satisfaction qu'il ressentit alors fut très grande, et nous sommes heureux de la lui avoir procurée.
Je ne saurais mieux terminer ces quelques mots d'adieu sur une tombe ouverte qu'en m'inspirant des paroles que prononçait ici même, en 1891, Léopold Quintard, aux obsèques de M. Bretagne, secrétaire perpétuel de la Société d'Archéologie lorraine homme de convictions sincères, il a pu envisager sans terreur la mort soudaine qui l'a si vite enlevé aux siens, et nous, qui avons les mêmes convictions et les mêmes espérances, nous pouvons lui dire sûrement au revoir.
Au nom de la Société d'Archéologie lorraine, qui m'a choisi pour la représenter, comme un de vos plus anciens collègues, mon cher Président, mon cher ami, soyez assuré de notre fidèle et affectueux souvenir.